dimanche 5 mars 2017

La Tentation du Christ selon Pierre


Il souffle.

Toute la poussière m'entoure, m'environne. C'est l'horizon entier qui se déroule devant moi. Le proche comme le lointain se confondent. Le sable et l'argile ne reflètent du ciel que les nuances tranquilles et vagabondes des esprits qui s'y retrouvent.

Je scrute. Immobile et impassible. Je suis sentinelle minérale, alourdie des fossiles du passé. Je suis l'accueil de l'histoire qui se sédimente.

Soudain, il passe. Et il souffle. Encore plus fort. Encore plus doux. Ce souffle me réchauffe et m'apaise. Il n'est ni bourrasque, ni tempête, tout juste le lointain battement d'aile d'une colombe.
Soudain, tout est présence.

J'entends un ventre creux, affamé. Une gorge sèche. Un corps épuisé.

Il n'est pas seul.

L'autre est là. Celui qui nous chuchote à l'oreille dans nos faiblesses. Celui qui nous rejoint dans nos détresses et nous offre le sommeil. Celui qui oppose le confort léger à la vie qui survient. L'autre dont la promesse anesthésie mieux que le miel tiré des fleurs superficielles.

Et il murmure. Il interpelle. Cherche la faille où loger son discours: "Si tu es Fils de Dieu, ta Parole peut soumettre la nature"

Lentement, une ambition s'éveille en moi. Je pourrai convoquer ce qui me compose, réaligner toutes mes particules pour nourrir le Premier. Réduire le cristal à une mie onctueuse.

Mais voici qu'il parle: "La nature est libre. Ni souveraine ni soumise. Ma Parole est là pour tracer le sillon où naissent l'identité, la fécondité et l'éternité."

L'autre se replie et mon désir se fane. Je suis pierre, et mon fruit est prémisse de l'Eglise. Echo d'avenir, cette Parole me fait vivre.

Ils repartent. Puis reviennent. Dans leur valse l'air s'éveille.
L'autre oppose. Lui repose.
L'autre agite. Lui médite.
L'autre soumet. Lui renaît.

Il souffle toujours, mais le battement d'aile vibre dans le vêtement des anges. Il ne cherche ni pouvoir, ni savoir, tout juste s'émouvoir. L'autre confus, s'en va. Son retour lorgne à chaque détour.

Je suis pierre, est mon lit n'est ni rivière ni carrière.
Juste un peu de poussière accrochée à sa lumière.

Relecture de Matthieu 4,1-11

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